Luc Auberger a fondé Concertino, qui propose aux particuliers qui ont un piano chez eux d’accueillir un pianiste classique ou de jazz pour des petits concerts.

Luc a choisi de devenir entrepreneur après une longue carrière dans le salariat. C’est un parcours tout à fait intéressant de changement de carrière radical qu’il partage avec nous aujourd’hui.

Bonne lecture ! 🙂

Bonjour Luc, pouvez-vous me raconter votre parcours ?

Bonjour je m’appelle Luc Auberger, je suis un jeune entrepreneur de plus de 50 ans ! J’ai une très longue expérience dans le secteur financier, qui s’est interrompue il y a deux ans, et cela a été l’opportunité pour moi de conduire des projets différents dans un monde différent, rencontrer d’autres gens et avoir une autre façon de travailler que le salariat, dans lequel je suis resté pendant 30 ans.

Que faisiez-vous dans le secteur financier ?

J’étais cadre dirigeant dans un grand groupe bancaire. J’ai eu des responsabilités importantes en France et à l’étranger ; j’ai habité en Asie, à Hong Kong, et à New York aussi quelques années. J’ai passé 7-8 ans en tout à l’étranger et je suis rentré en France en 2001.

Qu’est-ce qui vous a poussé à partir de ce monde ?

Ce qui m’a poussé, c’est un projet personnel, l’envie de changer de vie, de tenter l’entrepreneuriat après mon expérience salariale.

Vous avez eu un déclic ?

Oui ! J’avais le projet en tête depuis un certain temps et je devais trouver la bonne opportunité, il se trouve que ça a été à ce moment-là. Je me suis demandé si cela me mettait en risque sur le plan de ma vie familiale ou si au contraire ce risque était acceptable. Mon plus jeune fils finit ses études supérieures, il lui reste deux ans et les trois autres sont tous élevés ; le plus dur est derrière moi ! J’ai donc fait mes calculs et je me suis dit que c’était tout à fait possible de me lancer dans l’entrepreneuriat à ce moment-là.

Vous aviez une idée précise de ce que vous vouliez faire ?

J’avais une idée précise et plusieurs idées de plusieurs choses. J’ai démarré avec des temps partiels dans plusieurs activités différentes – je continue d’ailleurs à avoir plusieurs activités en parallèle aujourd’hui – je ne sais pas encore si je vais passer à temps plein sur une seule.

Vous avez envie d’être à temps plein sur une activité en particulier ?

Pour l’instant, j’apprécie beaucoup d’avoir ces différentes activités en parallèle.
J’aime cette diversification.

Quelles sont toutes ces activités ?

Je suis consultant dans mes anciens secteurs d’activité, en conseil B to B, je suis aussi administrateur indépendant dans une société et j’ai d’autres opportunités liées au conseil. Je fais aussi beaucoup de photos de manière semi-professionnelle. Je fais des stages avec des pros, j’ai fait un road trip cet été dans l’ouest de la France et j’ai bien l’intention d’en refaire ! Je m’investis dans la préparation d’expos.

Ma troisième activité, Concertino, que j’ai lancée en octobre 2016, ressemble à une start-up. C’est du B to C qui utilise internet comme réseau de distribution. J’avais cette idée depuis très longtemps, car j’ai beaucoup d’amis pianistes professionnels (étant par ailleurs pianiste amateur) et j’ai toujours eu envie de les aider un peu car j’ai beaucoup d’admiration pour ce métier. Je trouve incroyable que pour certains la vie n’apporte pas ce qu’elle devrait leur apporter compte tenu de leur talent et du travail qu’ils ont fourni et qu’ils fournissent pour arriver à un tel niveau d’excellence. Aujourd’hui le niveau moyen d’un pianiste professionnel est très au-dessus de ce qu’il pouvait être il y a vingt ou trente ans, le nombre de gens qui choisissent ces métiers-là ne cesse de croître, et en même temps la société ne leur donne pas vraiment de moyens, ne les aide pas comme peuvent le faire d’autres pays d’Europe. On le fait beaucoup en Allemagne ou en Angleterre, on se préoccupe beaucoup plus d’aider les artistes. En France, on a une certaine mentalité, dans laquelle, en gros, les musiciens sont des amateurs qui ont de la chance de vivre de leur passion et on ne les aide pas assez sur le plan privé. Moi-même pendant beaucoup d’années j’ai organisé des concerts chez moi, pour faire jouer des artistes et c’était beaucoup de travail. Il faut inviter beaucoup de monde, c’est le but de ces concerts de ramasser le maximum d’argent pour rémunérer les musiciens, on demande une participation aux frais aux invités mais ils ne comprennent pas toujours.

J’ai donc décidé de ne plus faire comme ça et j’ai cherché comment aider les artistes professionnels autrement, d’où l’idée de Concertino qui adresse les différents points de frein à cette activité de concert privé, et est une formule innovante plus efficace que le concert privé traditionnel.

Que voulez-vous dire par efficace ?

Cela veut dire que c’est une formule ouverte à beaucoup plus d’artistes, à un public plus vaste, à n’importe qui, ce qui est important. D’abord, c’est une formule réduite, pas trop longue, car beaucoup de gens adorent écouter un petit concert, mais pas forcément 1h30 chez quelqu’un. Nos concerts durent 40 minutes et ont un coût raisonnable et connu d’avance, transparent. C’est quelque chose de structuré. J’ai choisi le piano solo en m’adressant aux gens qui ont un piano chez eux. En France cela fait à peu près 2 millions de foyers ! On accepte tous les types de pianos, c’est important car ça peut être un blocage aussi. Pour les concerts privés, les gens se disent que leur piano n’est pas assez bon. Cela est vrai pour jouer devant 200 personnes, mais convient très bien pour un tout petit concert. En effet, un des autres freins étaient que les gens ne peuvent pas toujours réunir beaucoup de monde chez eux ou ont peur de gêner leurs voisins. Nos concertinos s’adressent à de tout petits publics, avec moins de 15 personnes. Ce n’est pas un public que vous réunissez, ce sont des gens que vous avez réunis pour une autre raison : un repas en famille, un anniversaire, et à l’occasion de ça, puisque vous avez un piano dans la chambre, le salon, pour plein de raisons différentes (parce que vous en jouez vous-même, parce que vous en avez hérité, etc.), vous organisez un petit concert. Il suffit que le piano soit en état de marche. Le pianiste vient, vous êtes tous autour du piano, un verre à la main si vous le souhaitez, c’est décontracté, dans une ambiance intime. En moyenne, il y a 7-8 personnes et le pianiste vient et vous joue un programme de musique classique ou de jazz. C’est très informel et pour le répertoire, on essaye de coller au mieux avec vos souhaits. 40 minutes passent très vite, le pianiste partage son expérience, vous parle, vous raconte les morceaux. Et à la fin, vous lui offrez un verre, vous discutez avec lui et après il s’en va et vous poursuivez votre soirée.

Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans cette expérience ?

Les génies de la musique s’adressent à tout le monde, ce n’est pas la musique qui est démodée, c’est l’expérience qu’il y a autour, la façon de consommer la musique. Un concert privé, quelqu’un qui joue sur votre instrument c’est un choc systématique, 100% du temps. J’ai vécu ce choc là il y a très longtemps et je m’en souviens encore parce que vous sentez l’instrument qui vibre d’une manière incroyable, un pro est là, à moins d’1,50 m de vous, vous ressentez les choses, ce n’est pas la même expérience que quand vous allez au Théâtre des Champs-Elysées par exemple et que vous avez la scène assez loin de vous. C’est cela que je souhaite la faire partager au plus grand nombre de gens possible. Le bénéfice, c’est non seulement que les gens vivent un moment inoubliable d’émotions, de bonheur intense, que les pianistes trouvent des occasions supplémentaires de jouer et un complément de rémunération, et une expérience qu’ils adorent. Rentrer chez les gens, se présenter, faire connaissance, partager la musique, c’est leur métier, plus ils le font plus ils sont heureux. Et grâce à Concertino, le coté administratif est mis de côté et clair donc on peut se concentrer sur le moment.

Qu’est-ce que vous avez appris de plus important dans cette aventure depuis 1 an ?

J’ai appris que c’étaient des expériences humaines, ces rencontres entre un artiste et un petit public, et c’est quelque chose de très marquant aussi bien pour les artistes que les clients. Tous les cas individuels sont des cas spécifiques, quand les gens réservent en ligne, cela leur prend 15 secondes et ensuite je les appelle car c’est un besoin pour eux, pour pouvoir se rassurer, expliquer, parler à une vraie personne. J’ai également besoin de parler avec eux car j’envoie un artiste chez eux donc j’ai intérêt à sentir un peu le truc aussi.

C’est cette activité qui vous occupe le plus alors ?

Oui, ce qui me prend du temps c’est la communication, les posts Facebook les partenaires, le réseautage.

Et est-ce que c’est l’activité qui vous plaît le plus ?

C’est celle qui me demande le plus d’énergie, car là je suis à un moment où il faut accélérer.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre nouvelle vie entrepreneuriale démarrée il y a 2 ans versus vos 30 années passées en tant que salarié ?

Le grand avantage, c’est la maîtrise de son temps c’est le plus important.

Vous en profitez ?

Oui vraiment, surtout que je n’hésite pas à faire des déplacements car je peux gérer Concertino à distance, donc j’en profite d’autant plus. Si je veux partir demain une semaine je le fais !

Vous pouvez tout faire à distance ?

Pour Concertino oui, pour les autres activités, non. Mais dans ma vie précédente, je n’avais aucune maitrise de mon temps, je devais partir le matin à 7h15 et je rentrais à 21h le soir. J’avais un planning organisé pour toute la journée, j’avais dix réunions par jour, tous les jours, tout était organisé pour moi. 

Est-ce que c’est ça qui vous a principalement motivé à quitter cette vite ?

Non, ce qui m’a motivé c’est que je crois que j’avais pris de cette vie professionnelle tout ce qu’elle pouvait m’apporter. Si j’étais resté 5 ans de plus, cela m’aurait apporté plus d’argent, mais quid de ma vie ? Au niveau du poste où j’étais, c’était 13h par jour, 5 jours sur 7, donc 65 heures par semaine durant lesquelles vous n’êtes pas maître de votre vie. Vous rentrez le soir, vous êtes fatigué, vous voulez vous coucher, voilà la vie d’un cadre dirigeant.

La vie d’entrepreneur est fatigante aussi mais pas de la même manière. Et puis j’avais vraiment une envie forte de me tester aussi sur autre chose, de rencontrer d’autres milieux, et aujourd’hui j’en profite, je rencontre de nouvelles personnes différentes tout le temps.

Et comment vous êtes-vous lancé ? Avez-vous eu des moments de doute ?

J’ai la chance à mon âge d’avoir moins de stress. Bien sûr, le stress c’est l’ampleur du changement, c’est d’être seul du jour au lendemain et de devoir tout reconstruire.  Mais j’ai apprécié ça, c’est hyper positif.

Qu’est-ce que ça fait de devenir entrepreneur après tant d’années et après avoir gravi tous les échelons de l’entreprise « classique » ?

Ça ne fait que du bien parce que ça ouvre les horizons.

Je pense que si on pouvait tous vivre plusieurs vies professionnelles, on serait plus heureux.

Comment les gens ont-ils réagi autour de vous ?

Ils ne comprennent pas toujours.

Qui sont ceux qui comprennent le mieux et ceux qui comprennent le moins bien ?

Je pense que ceux qui comprennent le mieux sont ceux qui avaient perçu que j’avais envie d’autre chose, tout simplement. Le fait de me voir jouer du piano et faire de la photo, leur avait montré que j’étais intéressé par d’autres univers et que je n’étais pas workaholic. Je l’étais par la force des choses mais le weekend je raccrochais mon téléphone. Evidemment, j’étais obligé d’être joignable et de regarder mes emails le dimanche, mais il y a des gens qui allaient au bureau le weekend et ça leur plaisait. Ce n’était pas du tout mon style même si j’étais très investi dans mon travail.

N’ayant pas douté au départ, est-ce qu’aujourd’hui vous vous dites tous les jours que vous avez fait le bon choix ?

Ah oui je ne reviendrais jamais en arrière ! Ce n’est pour autant pas toujours facile car c’est une sacrée remise en question, il faut beaucoup se former, beaucoup travailler.

Qu’est-ce qui vous fait tenir ?

Dès que j’ai une demande de réservation de Concertino, ça me rebooste !

Et pour revenir à la flexibilité, qu’est-ce qui vous plait le plus ? De pouvoir partir en vacances quand vous voulez ?

Ça, c’est le summum de la liberté. Si j’ai envie de partir 8 jours je le fais, je peux le faire. Mais ce qui me plaît le plus, c’est tous les gens que je rencontre, d’avoir la liberté de rencontrer les personnes qui m’intéressent et de ne pas rencontrer celles qui ne m’intéressent pas, d’avoir des relations avec des gens qui sont des relations très différentes de l’entreprise. En entreprise, c’est hiérarchique, on a des enjeux communs, tout est structuré et là on peut avoir des relations avec des gens pour des raisons multiples et non directement productives. C’est ce que je ressens en montant une boîte, on rencontre des gens sans savoir ce que ça va donner, ça se passe super bien avec certains et on dit qu’on va bosser ensemble et finalement ça ne donne rien, et il y en a d’autres, on se demande pourquoi on a rencontré cette personne et en fait c’est le contact qui va vous en amener un autre et déclencher quelque chose de très positif, c’est ça qui est marrant. Tout ça me plaît beaucoup.

Et aujourd’hui vous travaillez d’où physiquement ?

De chez moi.

Vous y arrivez bien ?

Oui j’ai un bureau qui est bien.

Vous avez identifié des moments où vous êtes particulièrement productif ?

Le matin déjà je fais une heure de marche, et là j’ai toutes mes idées. La créativité me vient à ce moment-là, je note beaucoup de choses sur mon téléphone, et ça je n’abandonnerai pas, c’est vraiment très important.

Est-ce que vous prenez soin de vous ? J’imagine déjà que cette marche est importante pour vous de ce point de vue-là ?

Cela fait deux ans que je marche tous les jours et je cours deux fois par semaine avec mon chien. J’ai perdu du poids, je dors mieux, je vois la différence.

Et vous pensez que c’est dû à quoi ?

Avant je ne bougeais pas du tout, je montais dans ma voiture, je prenais l’ascenseur et le soir dans l’autre sens. A midi, je déjeunais dans des endroits magnifiques, dans des restaurants d’affaires très sympathiques mais où l’on mange trop. 

Et ça a été un choix conscient ? Vous vous êtes dit « je commence une nouvelle vie je vais mettre en place du sport, de la marche » ?

Oui, c’est très important. Vous ne pouvez pas arrêter une vie basée sur l’adrénaline de l’environnement, dans laquelle vous êtes stimulé en permanence, à rien. Quand vous avez une réunion à 8h, vous vous levez à 6h, vous êtes en permanence en train de faire ce qu’on attend de vous, vous ne décidez rien, vous suivez des décisions qui ne vous appartiennent pas dans la façon de conduire votre vie, et vous arrêtez pour vous retrouver chez vous 100% du temps avec vos projets. C’est un trop gros choc physiologique, le sport est une bonne réponse à ça.

Vos motivations étaient de canaliser les énergies ?

Oui, les premiers mois après avoir changé, je bossais encore comme avant, toute la journée à fond et je ne pouvais pas faire autrement. Je faisais cinquante trucs en même temps, énormément de choses sur le plan administratif, perso, etc. Je faisais tout ça à fond, je n’arrêtais pas. J’ai eu besoin de changer de rythme.

Et aujourd’hui du coup la liberté dont vous profitez, vous l’investissez aussi dans l’écoute de votre corps ?

Oui tout à fait. Il m’arrive de me rendormir jusqu’à 9 heures le matin, jamais après, et j’essaye d’être à mon bureau à 10 heures tous les matins.

Comment voyez-vous le futur de Concertino ?

 J’aimerais développer une offre auprès des entreprises, je pense que cela pourrait bien marcher.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune entrepreneur, par rapport à votre expérience ?

Il faut être très sûr de son idée et ne pas se faire influencer, il faut être sûr de soi, défendre son projet. Si l’idée vient des tripes, il ne faut pas écouter les gens. En même temps, il faut être très à l’écoute pour la modification de cette offre au contact des clients notamment.

Je recommande donc d’être très rigide et très souple en même temps.

Très rigide pour maintenir son cap, sinon personne ne le fera pour vous, et d’un autre coté ne pas se renfermer et ne pas passer à côté de l’opportunité de modifier les choses.

Que pensez-vous de l’évolution du travail, comment voyez-vous évoluer les choses par rapport à l’entrepreneuriat ?

Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui sont en train d’évoluer. Je rencontre des gens qui sont à leur compte, auto-entrepreneurs, freelances, et dans mon projet j’ai plus tendance à me tourner vers des gens comme ça plutôt qu’une grosse boite. J’aurais peur de me faire marcher dessus et que ça me coute très cher.

Et par rapport à la tendance grandissante du bien-être, est ce que vous avez un avis sur le sujet par rapport au fait d’avoir moins pu prendre soin de vous avant ? 

Il faut qu’on acte le fait qu’on passe un temps de sa vie considérable dans l’entreprise et ce temps passé ne peut pas être juste limité au travail. C’est là qu’est le déséquilibre. Si vous passez 8 heures au bureau qui sont purement travail, ce sont 8 heures de votre vie personnelle qui s’en vont au niveau de votre santé par exemple.

Il faut donc qu’on arrive à reconnaître que l’entreprise est un lieu de vie, pas seulement de travail.

Merci Luc ! 

Pour découvrir Concertino, c’est par ici : http://www.concertino.fr/

Leave a comment